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21.06.2021
Opinion de Anna Cavazzini et Yannick Jadot , député.e.s Verts/ALE.
L’accord commercial proposé par l’UE avec le Brésil, l’Argentine, le Paraguay et l’Uruguay n’offre aucune garantie que les produits importés seront conformes à nos normes environnementales ou de sécurité alimentaire. L’accord UE-Mercosur sera un désastre pour l’agriculture durable, pour le Green Deal européen et pour les populations des deux côtés de l’Atlantique.
Les dernières négociations sur la PAC se sont interrompues fin mai alors même qu’elles devaient être conclues une bonne fois pour toutes. Le Parlement européen a rejeté la nouvelle proposition du Conseil européen, trop peu ambitieuse sur le volet environnemental. En effet, les aides de la PAC destinées à soutenir la filière biologique seront sensiblement diminuées. En France, ce sont par exemple 132 euros de moins au mètre carré pour les exploitations bio. Et bien peu de conditionnalités écologiques sont globalement prévues pour le versement des aides, ne permettant en aucun cas à la PAC de contribuer à l’objectif environnemental global du Green Deal.
Ce n’est pas tout. Il existe un angle mort dans la réforme de notre modèle agricole européen : celui des accords de libre-échange tels que l’accord UE-Mercosur dont les conséquences sur l’agriculture européenne s’annoncent également catastrophiques.
Qu’est-ce que l’accord commercial UE-Mercosur et pourquoi nuit-il à l’environnement ?
L’accord UE-Mercosur a été conclu en principe en 2019, mais depuis n’a pas été ratifié par les 27 États-membres. Ce texte prévoit l’importation de 99 000 tonnes de viande de bœuf supplémentaires par an sur le marché européen, pas moins de 180 000 tonnes de volailles et 180 000 tonnes de sucre. Ces importations massives de produits exempts de droit de douane menacent d’amplifier l’agriculture intensive dans les pays du Mercosur (Argentine, Brésil, Paraguay, Uruguay), en multipliant les monocultures et les ferme-usines implantées sur des territoires déboisés pour étendre la production agricole et l’élevage.
On estime que la production des quotas de bœuf prévus entraînerait 25% de déforestation en plus chaque année. Or la déforestation est un facteur important dans la multiplication des zoonoses.
Ce modèle agricole sud-américain destiné à l’exportation à grande échelle vers l’UE aura des conséquences dramatiques sur l’environnement et les populations du Mercosur, en particulier les populations autochtones qui se verraient expropriées de leurs terres.
Pourquoi l’accord commercial UE-Mercosur pourrait-il nuire à l’agriculture européenne ?
Le développement de cette agriculture néfaste dans les pays du Mercosur aura sans nul doute des répercussions dramatiques sur l’agriculture européenne également. L’accord ne prévoit aucune clause permettant d’exiger que les produits importés respectent les normes européennes en matière environnementale et sociale, et il n’est pas certain que les normes élevées de l’UE en matière de santé et de sécurité alimentaire soient réellement appliquées. C’est problématique à bien des égards. Le Brésil est par exemple le plus grand consommateur de pesticides au monde, dont la moitié des substances utilisées sont interdites dans l’UE. Un autre exemple, en matière de bien-être animal cette fois: au Brésil, les bovins sont nourris avec des céréales interdites dans l’UE, qui provoquent des maladies digestives chez les animaux. Bref, en signant l’accord UE-Mercosur, l’UE signe pour l’importation de bœuf élevé dans des conditions déplorables sur des territoires déboisés et de sucre dopé aux pesticides hautement toxiques.
De ce fait l’accord présente des risques réels pour la santé des consommateurs et encourage un modèle économique et agricole incohérent avec les exigences environnementales européennes de protection de la biodiversité et de neutralité climatique.
Quelles conséquences de l’accord UE-Mercosur sur le marché européen ?
De plus, l’UE met en concurrence directe ses propres producteurs avec ceux du Mercosur, car l’accord favorise l’importation d’une quantité de morceaux de bœuf « haut de gamme » – l’aloyau – proche de 30% de la production totale dans l’UE, produite dans des conditions bien moins favorables à l’environnement que celles en vigueur sur le marché européen. Ces morceaux seront vendus à bas prix, entraînant une concurrence déloyale avec les paysans européens.
L’accord est une raison de plus pour les paysans européens de ne pas entamer la conversion de leur production vers un modèle plus durable, pour la simple et bonne raison que leurs produits, certes meilleurs, mais plus chers dans les supermarchés, ne pourraient pas rivaliser avec ceux importés d’Amérique du Sud.
L’accord commercial UE-Mercosur n’est ni juste ni durable. C’est pourquoi nous devons #StopEUMercosur
Pour préserver l’agriculture, les paysans et la santé des consommateurs, l’accord UE-Mercosur devrait inclure des clauses miroir, exigeant que toutes les normes européennes s’appliquent aux produits importés des pays du Mercosur. Cela est particulièrement nécessaire pour limiter l’utilisation des pesticides et défendre le bien-être animal. Il va sans dire que l’UE doit cesser de commercialiser des pesticides et des engrais qui ne sont même pas autorisés sur son propre marché unique.
Il est trop tard pour qu’un protocole additionnel puisse répondre à ces exigences ou faire de l’accord UE-Mercosur autre chose qu’un fardeau pour l’agriculture et les exploitants. La seule solution est de rouvrir l’accord. Il faut un nouveau mandat afin d’inclure des clauses miroir contraignantes et efficaces à l’accord.
Si la réforme de la PAC reste un point prioritaire afin de permettre le développement d’une agriculture durable dans l’UE, il est primordial et urgent pour l’UE d’ouvrir les yeux sur les impacts des accords de libre-échange incompatibles avec les objectifs climatiques.
Il est encore temps de s’opposer à l’accord UE-Mercosur et d’appeler les Etats-membres à faire preuve de lucidité quant aux conséquences désastreuses de cet accord sur les producteurs et les consommateurs des deux côtés de l’Atlantique.
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Ischi Graus – International Affairs campaigner
ischi.graus@ep.europa.eu