On ne compte plus les scandales de blanchiment d’argent impliquant des banques, des clubs de football, des institutions financières, des célébrités ou des oligarques russes, ou autres.
Mais qu’est-ce que le blanchiment d’argent exactement ? Au Parlement européen, les eurodéputé·es écologistes Damien Carême et Gwendoline Delbos-Corfield travaillent pour y mettre fin.
Pour mettre un terme à ces pratiques qui déstabilisent l’économie européenne et fragilisent nos démocraties, les Verts/ALE exigent transparence et efficacité. En juillet 2021, la Commission européenne a présenté un paquet de mesures pour lutter contre le blanchiment d’argent et le financement du terrorisme qui répondent à un certain nombres de demandes portées de longue date par notre groupe.
Trois mois plus tard, le scandale des Pandora Papers éclate alors que la pandémie du Covid19 faisait déjà émerger un nouveau milliardaire toutes les 30 heures. En 2022, la guerre en Ukraine met un coup de projecteur sur le rôle des oligarques proches de Poutine et de leur argent sale dans l’alimentation et la perpétuation du conflit. Éclate alors la crise du coût de la vie, conséquence directe de la guerre russe. Des millions de personnes doivent choisir entre se chauffer et manger, quand quelques autres deviennent de plus en plus riches.
Adopter de nouvelles règles devient alors plus nécessaire que jamais, à condition d’en accroître considérablement l’ambition.
Le 28 mars, le Parlement européen a adopté sa position sur le paquet proposé par la Commission européenne. Cela ouvre la voie aux négociations entre les rapporteurs du parlement européen, dont le député vert Damien Carême, les ministres des finances des différents États membres et la Commission européenne. Il s’agit d’aboutir à un accord sur les textes qui deviendront alors la nouvelle législation européenne en matière de lutte contre le blanchiment d’argent.
Ce vote n’est donc qu’une première étape. Mais nous pouvons d’ores et déjà nous féliciter des avancées significatives qui ont été réalisées. Grâce au travail collectif des 4 député·es vert·es impliqué·es sur ces dossiers, un nombre important des propositions vertes figurent aujourd’hui dans les textes adoptés par le Parlement européen. C’est une belle victoire pour nos idées. C’est surtout une belle victoire contre l’argent sale et les criminel·les de tous bords.
Voici nos cinq victoires des écologistes dans la lutte contre l’argent sale :
- L’UE dispose désormais d’une autorité de lutte contre le blanchiment de capitaux (AMLA). Les institutions financières les plus exposées au blanchiment d’argent seront désormais soumises à une surveillance directe au niveau de l’UE. La nouvelle Autorité est chargée de coordonner et contrôler les cellules anti blanchiment nationales. Dans la pratique, qu’est-ce que ça implique ? Si un Etat-membre se montre négligent vis-à-vis du blanchiment, l’AMLA peut intervenir et enquêter de son propre chef. Grâce à l’AMLA, les criminel·les ne connaîtront plus de répit au sein de l’UE !
Le Parlement souhaite également permettre à l’AMLA de dresser une liste noire des pays-tiers et des banques ou autres institutions financières qui constituent un risque particulier de blanchiment d’argent pour l’UE. Cette liste, loin des considérations politiques qui polluent la liste similaire de la Commission, permettrait à l’UE de protéger son système financier contre des menaces spécifiques. Nous pourrions réagir immédiatement aux scandales de blanchiment d’argent, comme celui du Crédit Suisse en inscrivant cette institution sur la liste. - Fini la complaisance de certains Etats-membres. Les mêmes règles pour tou·tes dans toute l’UE grâce au règlement anti-blanchiment. Jusqu’à maintenant, le cadre européen relatif à la lutte contre le blanchiment de capitaux dans l’UE était un patchwork inégal et flou. L’insuffisante coordination entre les cellules anti-blanchiment nationales facilitait l’injection de nombreux flux illicites dans l’économie européenne.Ce nouveau règlement harmonise l’ensemble de la législation et la rend directement applicable dans tous les Etats-membres. L’un des principaux éléments obtenus par le Parlement est l’interdiction des visas dorés. Certains Etats-membres proposaient encore aux grandes fortunes – aux oligarques russes notamment – des régimes avantageux : en échange d’un investissement dans le pays, tout·e riche ressortissant·e d’un pays-tiers en obtenait la citoyenneté, sans même y résider ! En offrant de tels programmes, sans les assortir d’une surveillance renforcée, Malte ou Chypre, deux pays dont les cellules anti-blanchiment sont notoirement défaillantes, faisaient peser un risque majeur pour l’économie européenne tout en faisant obstacles à l’application des sanctions européennes. Ce règlement met un terme à ces arrangements de complaisance.
- Davantage de catégories chargées d’examiner et de signaler les transactions suspectes. La liste des “entités assujetties”, professionnel·les et entreprises, tenues de vérifier et signaler aux autorités les mouvements financiers suspects a été élargie. La lutte contre le blanchiment d’argent ne peut pas reposer uniquement sur les banques et autres institutions financières. Miroir de risques nouveaux, elle incombe dorénavant aussi aux fournisseur·ses de crypto-monnaies, aux plateformes NFT, ainsi qu’aux négociant·es en produits de luxe et aux clubs de football de haut niveau. Le scandale de la FIFA ou encore les risques avérés de contournement des sanctions européennes via les crypto-actifs ont montré que l’argent sale ne se cantonne pas aux banques.
En plus de nouveaux secteurs, des contrôles plus stricts s’appliqueront sur les responsables politiques et leurs familles, des chef·es d’État aux autorités locales, en raison du risque élevé de corruption, ainsi que sur les personnes très riches, dont la fortune provient de l’industrie extractive ou des centres financiers offshores. - Fini la dissimulation d’argent sale via les yachts, villas et autres jets privés. L’OCCRP a montré comment de nombreux·ses oligarques russes et biélorusses possèdent indirectement de nombreuses propriétés, bateaux et avions de luxe sur la Côte d’Azur, notamment. Enfouis sous de complexes montages juridiques, il est bien difficile de prouver leur appartenance à des personnes impliquées dans le blanchiment ou le financement du terrorisme. Pour remédier à cela, la position du Parlement européen est claire : l’UE doit disposer de registres permettant l’identification des propriétaires de tous les biens immobiliers, les voitures de luxe, les jets et les yachts. Cette victoire verte est un grand pas en avant dans notre lutte pour plus de transparence et nous rapproche d’un registre européen des actifs.
- Un accès simple et gratuit de tou·tes les lanceur·ses d’alerte potentiel·les aux informations sur les bénéficiaires effectif·ves. En novembre 2022, la Cour de justice de l’UE a porté un coup dur à la lutte contre l’argent sale et la corruption en invalidant l’accès du grand public aux registres de bénéficiaires effectif·ves. Pour s’aligner sur cette décision, sans renoncer à notre exigence de justice et de transparence, nous avons poussé pour qu’en plus des autorités de contrôle, les journalistes, les ONG, les universitaires – autant de lanceur·ses d’alerte potentiel·les – soient considéré·s comme ayant un intérêt légitime à accéder automatiquement et gratuitement à ces registres où figurent les noms des véritables propriétaires des sociétés et des trusts. Le journalisme d’investigation, les recherches académiques et le plaidoyer de la société civile se poursuivront, exposant publiquement ceux et celles qui prospèrent dans l’ombre.
En tant que Verts/ALE au Parlement européen, nous nous félicitons de ces cinq victoires dans la lutte contre le blanchiment d’argent, issues directement de propositions écologistes. Les nouvelles règles dont nous dotons aujourd’hui l’Union européenne sont autant d’armes pour lutter contre la corruption, l’argent sale et les structures opaques.
Le Parlement européen a su faire preuve de l’ambition nécessaire pour en finir avec les milliards d’euros d’argent sale qui polluent le système financier européen chaque année.
La balle est désormais dans le camp des Etats-membres. Nous les enjoignons à faire preuve du courage politique nécessaire pour que l’économie de l’Union européenne ne soit plus le terrain de jeu des criminel·les.