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La protection des consommateurs sous l'équipe Juncker
L'eurodéputé écologiste Pascal Durand estime que la question des médicaments doit être avant tout une question de santé publique, et non pas de commerce.
Dans l'ensemble, êtes-vous satisfait de la proposition de Jean-Claude Juncker ?
Malheureusement, je doute sincèrement que la nouvelle Commission proposée par Jean-Claude Juncker puisse relever les défis auxquels l'Europe est confrontée. Si l'on peut saluer la nomination par certains États membres de candidats expérimentés, l'attribution des portefeuilles est pourtant très problématique. Confier l'énergie et le climat à un homme ayant des intérêts dans l'industrie pétrolière, l'éducation et la citoyenneté à un proche du premier ministre hongrois Orban et l'agriculture et le développement rural à un adepte du productivisme traduit un sérieux manque de jugement et de considération pour l'intérêt général européen.
Quelle a été votre première réaction face à la candidate proposée en charge de la politique de la protection des consommateurs ?
La Tchèque Vera Jourova dispose d'une grande expérience en gestion de fonds européens et en développement régional. Elle ne fait pas partie, a priori, des commissaires les plus contestables et contestés. Elle a certes une expérience en affaires européennes, mais non pas en droits de l'Homme, égalité des genres et protection des consommateurs. Il faudra donc être particulièrement vigilant durant son audition pour appréhender la vision qu'elle a de son portfolio et la façon dont elle portera ses sujets cruciaux au sein de la Commission.
Qu'en est-il de la structure du portefeuille de la protection des consommateurs ?
La séparation des portefeuilles « protection des consommateurs » et « marché intérieur » me laisse perplexe. Je suis en effet convaincu que l'approfondissement de l'intégration du marché européen passera par les consommateurs, et il ne me semble donc pas pertinent de séparer ces deux domaines. Je suis aussi alarmé par le fait que plusieurs unités de la Direction Générale Santé et Protection des Consommateurs (DG SANCO), en charge des médicaments, vont être transférées à la Direction Générale Entreprise et Industrie. En tant qu'écologiste, j'estime que la question des médicaments doit être avant tout une question de santé publique, et non pas de commerce. Si Juncker a répondu aux ONG que les deux directions générales travailleraient de concert sur la questions des médicaments (cf lettre de Juncker), je ne pense pas que le business et la santé devraient être mis sur un pied d'égalité. Et en pratique, rien ne garantit que les deux DG travailleront ensemble de façon équilibrée.
Si vous pouviez poser une question aux candidats, quelle serait-elle ?
La protection des consommateurs soulève de nombreuses questions fondamentales pour les citoyens européens: transparence de l'information et de la publicité, sécurité des produits, protection juridique mais aussi lutte contre l'obsolescence programmée.
Ma question porterait sur la proposition de la Commission européenne visant à créer un droit commun européen de la vente, qui serait un droit optionnel s'ajoutant aux régimes nationaux :
« Quels sont, selon vous, les avantages d'un droit européen de la vente, et comment envisagez-vous de lutter contre l'insécurité juridique qu'il induit ? »
À quelles autres questions pensez-vous que les candidats devront répondre à leur audience ?
La maitrise des dossiers et la conception politique générale qu'ont les commissaires-candidats de leurs domaines de compétence feront naturellement l'objet de nombreuses questions. J'estime aussi que le Parlement européen devrait voter en faveur du collège de Commissaires seulement si ses membres sont irréprochables. Les candidats doivent donc être dépourvus de tous conflits d'intérêts et d'actes de corruption avérés. Certaines questions pourront leurs être posées à cet égard, comme ce fut le cas pour la Commissaire-candidate bulgare Jeleva en 2009, qui a fini par être remplacée.