Les paradis fiscaux de quelques-uns font l'enfer de tous les autres
Paradise Papers
Une nouvelle fuite de documents ébranle le monde des paradis fiscaux. Plus de 13 millions de dossiers du cabinet international d'avocats Appleby ont été examinés par des centaines de journalistes à travers le monde. Appleby est considéré comme l'un des cabinets fiscaux les plus "professionnels", soucieux de son image et prêt à repousser toujours davantage les frontières de la légalité. Appleby est basé aux Bermudes, mais présent dans une dizaine de paradis fiscaux tels que les îles Vierges britanniques, les îles Caïmans, Guernesey, l'île de Man, Jersey, l’ile Maurice, les Seychelles, Hong Kong ou Shanghai. Pour la première fois, nous disposons ainsi d’un aperçu très large des mécanismes d'optimisation et d'évasion fiscales.
Eva Joly, eurodéputée Verte et Vice-Présidente de la commission d’enquête sur les Panama Papers du Parlement européen, commente cette dernière grande fuite, les "Paradise Papers":
"Il faut mettre un terme à ce monde d’opacité et de privilèges dans lequel quelques grandes entreprises et riches individus agissent contre le bien commun, en toute impunité. Les « Paradise Papers » mettent en lumière toute la professionnalisation du système mondial d'évasion fiscale. Si tout cela est "légal", alors c'est qu'il faut changer les lois. Nous savons ce qu'il faut faire. Avec de la volonté politique, l'Union européenne, en tant que premier marché mondial, a les moyens de remédier à l'évasion fiscale. Les moyens d'isoler les pays récalcitrants existent : la Commission européenne peut faire une proposition sur la base de l'Article 116 du Traité (pour distorsion de concurrence), permettant ainsi de passer en co-décision avec le Parlement européen et de faire sauter le verrou de l'unanimité au Conseil. Les États qui veulent avancer pourraient aussi envisager de dénoncer les conventions fiscales bilatérales avec les pays mauvais élèves.
Le Royaume-Uni et ses territoires offshores sont au cœur de ce système : c’est l'un des plus grands paradis fiscaux au monde. Il n'est donc pas étonnant qu’au sein de l'UE, le gouvernement britannique ait ralenti la lutte contre l'évasion fiscale et le blanchiment d'argent pendant des années et qu’il s'oppose aujourd’hui à l’élaboration d’une liste noire européenne crédible des paradis fiscaux. L’UE doit se montrer ferme lors des négociations du Brexit : pas d’accès au marché intérieur européen pour le Royaume-Uni s’il continue d’agir comme un paradis fiscal à nos portes !
Les multiples scandales révélés ces dernières années ne doivent pas nous faire baisser les bras. Au contraire, ils ouvrent une fenêtre d'action politique. Les États membres de l'UE doivent en tirer les conséquences au plus vite et enfin adopter les réformes d'harmonisation fiscale et de transparence qui s'imposent. À commencer par une liste européenne de paradis fiscaux crédible et réaliste. Nous avons aussi besoin de davantage de transparence sur la fiscalité des entreprises (publication d'informations pays par pays) et d'une taxation unitaire des multinationales au niveau européen, plutôt que de considérer chaque filiale comme une entité séparée. Ces réformes sont actuellement discutées au niveau européen mais bloquent toujours au niveau des États membres."