Projet de fusion nucléaire ITER
Le Parlement européen s'inquiète du gaspillage de l'argent public
La Commission du contrôle budgétaire a refusé hier soir d'octroyer sa décharge (1) pour la ligne du budget européen (2) destinée au financement du projet de fusion nucléaire ITER.
Dans leur rapport, les parlementaires s'inquiètent du dépassement des coûts, du retard et de la mauvaise gestion concernant ce projet.
Pour José BOVÉ, membre de la Commission du Contrôle budgétaire:
"Ce report est un retour à la raison de ce Parlement. Le projet ITER a déjà coûté trop cher aux contribuables européens et il n'est pas prêt d'aboutir. Même si par miracle, il produisait des résultats à moyen terme, nous en serions encore à des décennies de son application commerciale. Son financement dépend pour une bonne partie du budget européen duquel devraient être pompés 2,9 milliards d'euros supplémentaires pour la période 2014-2020.
De nouveaux retards et dépassements des coûts sont à prévoir. Les eurodéputés ont donc finalement choisi de freiner la course aux dépenses inconsidérées qui affectent directement les autres lignes budgétaires alors qu'elles pourraient être mobilisées pour des projets plus réalistes et rentables. En finançant le projet ITER, nous avons privé le budget européen des ressources nécessaires à l'essor des technologies ciblant la performance énergétique et des énergies renouvelables pouvant être produites sans délai localement. L'utopie ITER est un gouffre financier que nous ne pouvons pas nous permettre de continuer à alimenter. "
Pour Michèle RIVASI, membre de la Commission santé et environnement:
"ITER est une impasse scientifique qui conduit inéluctablement à la gabegie budgétaire. Les écologistes alertent depuis de nombreuses années sur les risques et défauts de la fusion nucléaire et, notamment, sur le risque de disruption du plasma, un problème qui n’a toujours pas trouvé de solution.
Aujourd’hui, plus que jamais c’est aussi la question du tritium qui doit préoccuper les bailleurs de ce projet. Alors qu’ITER est censé - à terme - produire le tritium dont il a besoin pour son fonctionnement, il est à craindre que les retards pris empêchent la réalisation du projet : les stocks de tritium disponibles risquent d’être épuisés d’ici là.
Actuellement, le tritium est produit en quantité très limitée à l’échelle mondiale. Les stocks disponibles sont faibles et disparaissent par désintégration radioactive. Des tensions sur le marché du tritium, générées notamment par l’approvisionnement nécessaire pour ITER, feront exploser les coûts de manière prévisible : certains experts n’hésitent pas à évoquer une augmentation de 30.000 dollars le gramme à 100.000 dollars. Ce qui impliquerait à terme un surcoût d’1.3 milliards de dollars pour le seul approvisionnement en tritium. Face à de tels dérapages des coûts et à la pénurie de tritium prévisible, les États-Unis n’hésitent pas aujourd’hui à évoquer leur retrait pur et simple du projet ITER. Arrêtons ITER avant qu'ITER ne s'arrête tout seul ou explose."
(1) Le Parlement européen octroie la décharge au budget annuel de l'UE. En cas de soupçons d'irrégularités budgétaires, les députés peuvent refuser ou reporter la décharge pour les lignes budgétaires concernées. La Commission du contrôle budgétaire du PE, compétente pour la décharge transmet ses recommandations à la plénière. Le report de la décharge d'hier soir concernait le budget 2013.
(2) Plus d'un tiers du financement du projet ITER de fusion nucléaire provient du budget de l'Union européenne. Le reste provenant des États membres de l'UE et de pays tiers dont la Chine, l'Inde, le Japon, la Corée du Sud, la Russie et les États-Unis.