Les lobbys et la droite du parlement européen prennent en otage l’avenir de notre industrie et celui de la planète
Ajustement carbone aux frontières de l'UE
Les Verts/ALE avaient fait campagne en 2019 en faveur d’un ajustement carbone aux frontières pour élargir la couverture de notre politique climatique aux émissions importées et donc couvrir notre empreinte carbone.
Si le soutien à ce mécanisme demeure indiscutable pour le groupe des Verts-ALE, il s’est néanmoins abstenu sur le vote final dans la mesure où le rapport adopté en Commission environnement a été amputé d’un élément essentiel, à savoir : la suppression des droits à polluer octroyés gratuitement aux industries hautement polluantes qui devrait accompagner la mise en place du mécanisme d’ajustement carbone aux frontières de l’UE.
En effet, ce traitement spécial - prévus par le système d’échange de quotas d’émission de l’UE (SQE-UE) pour soutenir la compétitivité des industries considérées comme exposées à un risque de délocalisation, - devenait caduque avec l’instauration du mécanisme d’ajustement carbone. Conserver les deux, nous empêcherait non seulement de renforcer notre politique climatique en incitant la décarbonation des industries polluantes mais remettrait aussi en cause notre capacité à défendre cet instrument devant l’Organisation Mondiale du Commerce. Rappelons que jusqu’ici, les importations qui représentent 20% de notre empreinte carbone, ne sont pas prises en compte.
Dès lors, pour le rapporteur, l’instauration d’un mécanisme d’ajustement carbone juste, devait inclure ces éléments non seulement pour honorer nos engagements climatiques mais aussi pour recomposer un tissu industriel européen solide, innovant, et générateur de nouveaux emplois. Enfin, les revenus issus de ce mécanisme devraient être déployés dans les pays en voie de développement mais également servir à alimenter le budget européen qui pâtit de la faiblesse des ressources propres, en particulier pour le financement de la transition verte de l’Union européenne.
Déclaration de Yannick JADOT, rapporteur du Parlement européen sur l’ajustement carbone aux frontières de l’UE :
«La création d'un mécanisme carbone aux frontières de l'EU est un test de crédibilité et de légitimité pour l'Union européenne dans la lutte contre le dérèglement climatique et pour la protection de ses industries et de ses emplois. Nous avons une opportunité unique d'installer un cercle vertueux entre la protection résolue du climat, la lutte contre la concurrence déloyale et le dumping climatique et l'innovation industrielle bas carbone. C'est cette dynamique qui peut contribuer à la réindustrialisation en Europe et créer les emplois qualifiés de demain.
Les prochains mois verront une lutte féroce entre les tenants de cette ligne responsable, rationnelle et lucide, et les tenants d'un ancien monde qui nient toujours l'urgence climatique et se satisfont de la lente désindustrialisation de notre continent.
En tant que rapporteur du Parlement européen, j’ai, avec les rapporteurs fictifs verts Damien Carême, Manuela Ripa et Francisco Gueirero, travaillé avec tous les groupes politiques en Commission de l’environnement après des avis d’ITRE, ECON, BUDG, et INTA, à définir les principes sur lesquels doit se construire l’ajustement carbone aux frontières, y compris pour envoyer un signal à la Commission qui doit faire une proposition législative à la fin du printemps 2021.
Les compromis votés en ENVI avec les grands groupes politiques dont le PPE reflétaient les préoccupations écologistes quant à l’intégrité environnementale et à la compatibilité avec le droit de l’OMC de ce mécanisme, conditions nécessaires à son existence et à son bon fonctionnement. Ainsi le rapport adopté en commission de l’environnement prévoyait qu’avec l’instauration du mécanisme carbone aux frontières dès 2023, le régime des quotas gratuits prendrait fin. C’est le seul moyen d’inciter les industriels à réduire leurs émissions tout en respectant les règles d’une concurrence équitable.
Malheureusement, ces derniers jours, certains lobbys sont intervenus pour continuer à bénéficier et des quotas gratuits sur marché carbone, et de l’ajustement aux frontières. Bref, le beurre et l’argent du beurre, sans même faire les efforts requis pour le climat. Avec le soutien du PPE (à l’exception de la délégation française) et de l’extrême droite, ils ont réduit sérieusement l’ambition du texte. Et ce, malgré les engagements de la Présidente von der Leyen, issue de la même formation, qui préconise un ajustement carbone aux frontières dans le cadre du « Green Deal’ européen. En dépit des déclarations répétées de la Commission européenne quant à l’impossible coexistence des quotas gratuits et de l’ajustement carbone aux frontières, pour des raisons environnementales et de compatibilité avec le droit de l’Organisation Mondiale du Commerce. Argument pourtant généralement brandi par le PPE dans tout autre dossier.
En amputant le rapport de cet élément essentiel, la droite et l’extrême-droite ont torpillé, d’une courte majorité de 15 voix, la dynamique qui permettrait la réindustrialisation en Europe et la création des emplois qualifiés de demain. Par cette manœuvre, ces députés entravent la lutte contre le changement climatique, fragilisent notre industrie qui risque de ne pas de savoir saisir à temps l’opportunité que représente leur conversion vers une économie décarbonée.
La Commission européenne présentera en juin sa proposition législative. La bataille ne fait donc que commencer. Le groupe des Verts/ALE y prendra part, avec détermination et ambition. Car les écologistes ne peuvent se résoudre ni au chaos climatique, ni aux délocalisations. »