La Commission européenne a présenté aujourd'hui une communication plaidant en faveur d'une révision de 20 à 30% de l'objectif européen de réduction de gaz à effet de serre d'ici 2020 (1). L'Allemagne et la France affichaient hier leur opposition par la voie de leurs ministres de l'Industrie. A propos de cette communication,
l'eurodéputé Europe Ecologie, Yannick Jadot déclare :
"Cette prise de position courageuse de la Commission arrive à point nommé dans le débat climatique européen et international. En effet, l'échec de Copenhague et la crise économique servent de prétextes à certains Etats membres, France et Allemagne en tête, poussés par certains secteurs industriels, pour défendre le statu quo, voire réviser à la baisse les objectifs européens.
Après la crise grecque et celle de l'euro, la France et l'Allemagne ont démontré hier leur incapacité à traiter la crise climatique. Angela Merkel et Nicolas Sarkozy doivent démentir les propos mal informés de leurs ministres de l'Industrie respectifs. C'est d'abord l'échec de l'intergouvernemental européen qui se résume ici à l'égoïsme des Etats membres, contre l'intérêt général européen.
Comment justifieront-ils leur inaction quand, dans quelques mois, les Européens seront de nouveau confrontés à une crise énergétique en plus d'une crise sociale, que les délocalisations d'industries qui refusent d'évoluer se poursuivront, et que les rapports scientifiques confirmeront l'absolue urgence climatique?
La révision à la hausse de l'objectif de réduction des émissions européenne vers 30% est un premier pas, absolument indispensable pour redonner crédibilité, légitimité et leadership à l'Union européenne dans les négociations. C'est aussi une véritable opportunité pour rendre l'économie européenne plus compétitive et créer des millions d'emplois.
La Commission coupe ainsi court aux discours alarmistes tenus par les industriels européens, et repris en choeur par certains dirigeants européens. Les arguments concernant le dumping climatique et la prétendue perte de compétitivité ne tiennent plus la route. Il n'existe pas d'obstacle de compétitivité pour agir de manière sérieuse pour le climat. Plutôt que de freiner l'ambition européenne, les dirigeants européens, notamment Angela Merkel et Nicolas Sarkozy, doivent prendre au sérieux la limitation du réchauffement à moins de 2 degrés, et accepter de passer à un objectif inconditionnel et unilatéral de 30% de réduction des émissions au niveau européen lors du Conseil le mois prochain, en lien avec la science et pour assurer aux citoyens une sortie durable de la crise économique et sociale."
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La Commission fonde la révision à la hausse (30%) de l'objectif européen sur la base d'un quadruple constat:
la crise économique a contribué à réduire substantiellement les émissions européennes. Dans ce contexte, un objectif de 20% de réduction d'ici 2020 constituerait presque un scénario "business as usual" et le coût aujourd'hui pour atteindre un objectif de 30% est à peine supérieur à celui d'un objectif de 20% il y a deux ans
contrairement aux discours catastrophistes de certains industriels, les secteurs "à risque" de perte de compétitivité (fuites de carbone) sont peu nombreux et déjà protégés. Cela tient notamment à la surallocation massive et gratuite de quotas carbone aux entreprises européennes couvertes par la directive ETS. D'ailleurs, une étude de Climate Strategies commanditée par le Groupe des Verts / ALE, montre que la menace de fuite de carbone a été complètement exagérée (2). Seuls 13 secteurs sur les 164 retenus par l'Union européenne seraient concernés par ce risque et les instruments de protection existent déjà. Il est également prouvé que la législation climatique actuelle de l'UE, permet aux industries polluantes de se constituer de véritables rentes de plusieurs centaines de millions d'euros (grâce au système de surallocation de quotas).
la Commission reprend les arguments défendus par les écologistes depuis des années, à savoir que la principale opportunité de sortie de crise est d'investir fortement dans une économie sobre en énergie et en carbone, ce que les Etats-Unis et la Chine ont déjà commencé à faire.
un objectif de 20% en 2020 ne permet tout simplement pas d'atteindre l'objectif européen de réduction de 80 à 95% nos émissions d'ici 2050 pour rester sous la barre des 2°C de réchauffement climatique. Maintenir un objectif de 20%, quand les scientifiques recommandent 40%, nécessitera trop d'efforts à fournir pour la période de 2020-2050.
<hr/>
(1)
Communication de la Commission: "Unlocking Europe's potential in clean innovation and growth: Analysis of options to move beyond 20% greenhouse gas emissions reductions."
(2) Voir l'
étude de Climate Strategies (en anglais): http://tinyurl.com/leakage-CS-study
et notre résumé (en anglais) http://tinyurl.com/leakage-greensefa-summary