Malgré la résistance des États membres, le social et l'environnement entrent dans les outils européens de défense commerciale
Lutte contre le dumping de la Chine
Pour renforcer sa capacité à contrer la concurrence déloyale en provenance de pays non-européens, l’UE est en train de modifier sa législation sur les instruments de défense commerciale, c’est à dire les instruments juridiques à sa disposition pour imposer des taxes correctives à des entreprises non-européennes pratiquant des prix anormalement bas (dumping) par rapport au marché.
L’UE doit donc se doter d’un cadre général réformé de ses outils de défense commerciale (1) ainsi que d’une nouvelle méthodologie pour calculer le niveau de dumping et, partant, le niveau des taxes à imposer en cas de dumping. C'est sur cette méthodologie, qui concerne les pays, dont la chine, qui ne remplissent pas encore les critères d’une économie de marché(2) qu'un compromis a été trouvé ce 3 octobre entre les institutions européennes, Parlement, Conseil et Commission.
Déclaration de Yannick JADOT, Vice-Président de la Commission commerce international et responsable de l’anti-dumping pour les Verts/ALE :
« La nouvelle méthodologie de calcul du dumping va permettre à l'Union européenne d'évaluer largement les distorsions de concurrence et d'imposer des taxes correctives pour des pays comme la Chine dont on sait qu'elle pratique des stratégies de dumping très agressives, avec des conséquences dramatiques pour nos entreprises, nos salariés et nos emplois. L’existence d’un rapport très détaillé et public sur l’étendue des distorsions de concurrence sur le marché chinois sera clé pour le bon fonctionnement de cette nouvelle méthodologie.
Grâce au travail mené par le Groupe Verts-ALE au sein du Parlement puis dans les négociations avec le Conseil et la Commission, et pour la première fois dans une législation anti-dumping, les enjeux sociaux et environnementaux seront largement pris en compte. La Commission devra étudier de manière approfondie et précise les distorsions de concurrence liées à la non-ratification des accords multilatéraux sur l’environnement, avec un impact par exemple sur le coût de l'énergie ou sur le prix des matières premières. Il s’agit d’un point très positif qui nous permettrait, lors d’une nouvelle réforme, d’intégrer encore davantage la lutte contre le dumping environnemental dans nos instruments de défense commerciale.
Autre avancée importante pour les Verts, il sera désormais possible pour l’UE de considérer que la pratique de salaires anormalement bas, en raison d’une non-ratification des conventions de base de l'Organisation Internationale du Travail (sur la liberté syndicale par exemple, ou le travail des enfants) constitue une distorsion significative et donc une possibilité supplémentaire d’ouvrir une enquête anti-dumping. C’est une première pour l’UE qui fait un pas dans la bonne direction en commençant à lutter contre le dumping social dans les pays tiers.
Enfin, et c’est également une première, quand une enquête anti-dumping sera ouverte, la Commission, qui pourra utiliser les prix de pays autres que ceux pratiqués sur les marchés chinois pour évaluer le niveau de dumping, devra choisir le pays analogue avec le plus haut niveau de protection sociale et environnementale. Ceci lui permettra d’imposer des taxes anti-dumping plus importantes. À charge pour les exportateurs chinois de prouver que les prix des produits qu’ils exportent ne sont pas anormalement bas.
Il faut néanmoins regretter que les États membres aient refusé de sanctionner plus durement les entreprises non-européennes pratiquant des prix anormalement bas du fait du non-respect des accords multilatéraux sur l’environnement, dont l’accord de Paris par exemple, des conventions de base de l’Organisation internationale du Travail (droit de se syndiquer, interdiction du travail forcé, du travail des enfants, etc.) ou encore les conventions internationales contre l’évasion fiscale. La France elle-même, malgré les discours ambitieux de son Président, n'a été d'aucun soutien sur ces sujets.
Ce premier pas doit être urgemment complété par l'adoption de la réforme des instruments de défense commerciale, c’est à dire le cadre général qui régit notre action dans le domaine de l’anti-dumping. Ce sont les États membres qui bloquent cette réforme. Nous continuerons à travailler à rendre la politique commerciale plus efficace dans la défense de nos intérêts et à y intégrer pleinement la protection des travailleurs et de l'environnement. »
(1) Il s’agit du dossier intitulé « Modernisation des instruments de défense commerciale »
(2) Il s’agit du dossier intitulé « Nouvelle méthodologie de Calcul ». À noter : les deux dossiers modifient le même acte législatif de base.
Pour rappel, jusqu’à présent, l’Union européenne considérant que la Chine n’était pas une économie de marché, était autorisée à utiliser systématiquement des prix non-chinois (provenant de pays analogues) pour déterminer la valeur normale, c’est-à-dire le vrai prix, hors dumping, des produits exportés par les entreprises chinoises. Depuis l’expiration en décembre dernier du protocole d’adhésion de la Chine à l’OMC, l’UE n’est plus autorisée à utiliser cette méthode de calcul des prix réels chinois. Dès lors, il lui fallait adapter sa législation. La Commission européenne a proposé d’introduire dans la législation européenne la notion de distorsions significatives, c’est-à-dire des distorsions de concurrence importantes qui affecteraient la fiabilité des prix (foncier, système bancaire, aides d'état...). Sur la base d’un rapport listant toutes les distorsions de concurrence existant en Chine, la Commission pourra continuer à utiliser d’autres prix que ceux pratiqués sur le marché chinois. En pratique, cela signifie que la Commission pourrait toujours pour imposer des taxes anti-dumping plus fortes à la Chine qu’à des pays considérés comme des économies de marché dont les cas de dumping se traitent au sein de l'OMC
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