Un accord obtenu au prix de concessions élevées
Sommet de l'UE
Après d'âpres négociations, les dirigeants européens se sont mis d'accord sur un fonds de relance de 750 milliards d'euros, dont 390 milliards de subventions et un cadre financier pluriannuel de 1074 milliards d’euros. Les Pays-Bas, l'Autriche, le Danemark et la Suède, soutenus par la Finlande, ont fait adopter un budget européen nettement inférieur et ont procédé à des coupes sombres dans les futurs programmes tels que le Fonds de transition équitable, la santé, les droits et les valeurs, la recherche et le développement, et Erasmus plus.
Philippe Lamberts, co-président du groupe des Verts/ALE au Parlement européen, a commenté l’accord en ces termes :
« C'est une bonne nouvelle que les chefs d'État et de gouvernement aient enfin trouvé un accord sur un fonds de relance commun de l'UE. Si, dans des circonstances aussi exceptionnelles, les dirigeants de l'UE n'avaient pas pu trouver un terrain d'entente, la raison d'être même de l'UE aurait été mise à mal.
L'accord a cependant été obtenu au prix de concessions importantes. En termes de volume, les 390 milliards de subventions sur trois ans représenteront moins d'un pour cent du PIB de l'UE par an. Ce n'est pas négligeable, mais c'est loin de ce qui est réellement nécessaire. À long terme – en tenant compte des réductions massives prévues dans le cadre du budget de l'UE – les gouvernements européens ne tiennent pas leur promesse d'investir dans les générations futures.
En outre, en échange d'un fonds de relance plus modeste et de rabais plus importants, le mécanisme de protection de l’état de droit a été considérablement édulcoré. La conditionnalité relative à l'état de droit reste trop floue pour constituer un véritable levier permettant d'amener les États membres à respecter les engagements qu'ils ont pris lors de leur adhésion. Comme prévu, les premiers ministres de Hongrie, de Pologne, de Slovénie ou de la République tchèque ont voulu bloquer toute conditionnalité sérieuse dans ce domaine.
En outre, le Premier ministre libéral néerlandais et le Chancelier conservateur autrichien, accompagnés des Premiers ministres socialistes du Danemark, de la Finlande et de la Suède, ont lutté contre le principe même d'un plan de relance commun de l'UE : s'ils étaient parvenus à leurs fins, nous aurions un plan beaucoup plus modeste, exclusivement composé de prêts. Cela aurait non seulement rendu le plan inutile, mais aurait surtout accéléré une crise de la zone euro potentiellement fatale. Ces derniers ont raté l'occasion de conditionner pleinement le plan de relance au respect de l'état de droit et de s'aligner sur l'objectif de faire de l'Europe le leader mondial de la lutte contre le changement climatique. Leur insistance sur les coupes ne fait pas seulement qu'affaiblir l'impact économique du plan de relance, elle nuit aussi aux parties du budget les plus tournées vers l’avenir.
En terme de gouvernance, la procédure de type sonnette d'alarme accordée aux Etats « frugaux » peut être un moyen de retarder les décisions mais ne peut en aucun cas devenir un veto de facto, ce qui serait totalement illégal au regard du droit communautaire. Le meilleur moyen de garantir le respect effectif des règles devant conditionner les investissements aurait été d'associer le Parlement européen au processus de décision. Mais le Conseil, comme c'est généralement le cas, a ignoré la seule institution européenne directement élue.
Les gouvernements de l'UE doivent se préparer à des négociations difficiles avec le Parlement européen, qui utilisera tous les leviers dont il dispose pour limiter les dégâts causés à l'ambition initiale du Conseil européen. Le Parlement européen fera pression pour un cadre financier pluriannuel plus élevé, pour que l'aide financière soit liée à un solide mécanisme d'état de droit, et pour des investissements à long terme – en particulier dans le programme "Droits et valeurs", dans la recherche et le développement et dans Erasmus+. Il veillera également à être impliqué dans la gouvernance du fonds de relance.
Enfin, s'il y a une leçon que nous aurions dû tirer du Brexit, c'est que lorsque les dirigeants politiques des familles traditionnelles propagent des discours réduisant l'UE à un gaspillage d'argent, ils renforcent en réalité les forces centrifuges qui divisent les Européens entre eux. Pourtant, plus que jamais, nous devons agir ensemble afin de retrouver une souveraineté réelle ».