Nouveaux OGM
Pas aussi précis que prévus - et surtout inutiles !
« Plus précises, moins risquées, plus efficaces, moins couteuses » : ce sont les nombreuses qualités dont leurs promoteurs parent les nouvelles biotechnologies auprès de leurs interlocuteurs européens et nationaux - autant de raisons selon eux de déréglementer ces techniques. Pourtant, ces allégations ressemblent presque mot pour mot à celles faites - faussement - il y a 20 ans concernant la transgénèse (les OGM actuels). Tant les ONG environnementales que les agriculteurs bio s’opposent fortement à toute déréglementation et demandent évaluation, traçabilité et étiquetage de ces techniques et des produits qui en sont issus.
Le débat concernant les nouveaux OGM a récemment connu un nouvel épisode avec la publication il y a quelques semaines par le Science Advice Mechanism; un comité scientifique consultatif auprès de la Commission européenne; d’un rapport sur ces nouvelles techniques. L’objet du rapport n’est pas de donner un avis sur le statut légal de ces biotechnologies mais de lister, évaluer et comparer les différentes techniques de sélection variétale - depuis les méthodes « conventionnelles » jusqu’aux dernières découvertes de « l’édition de gènes ».
On pourrait dire beaucoup de choses sur ce rapport. Nous sommes par exemple d’accord avec le SAM quand il souligne l’importance d’une évaluation de chaque produit modifié par l’une de ces techniques, car les risques diffèrent non seulement en fonction de la technique utilisée, mais aussi de l’organisme modifié (plante, animal, micro-organisme) et de l’usage prévu (diffusé dans l’environnement ou non, produit alimentaire ou non...).
D’autres conclusions du SAM nous semblent en revanche plus surprenantes. En effet, un postulat central dans ce rapport est que ces nouvelles techniques, et en particulier les techniques dites d’édition de gènes, provoquent moins d’effets non intentionnels - c’est à dire de modification non voulues du génome - que les biotechnologies aujourd’hui en usage (tels que la transgénèse ou la mutagénèse aléatoire). Il conclue sur la base de ce postulat que ces techniques sont moins couteuses, plus rapides, moins risquées et pratiquement impossible à tracer. Presque comme des plantes ou des animaux naturels, donc.
Mais ce point de départ est en fait très controversé parmi les généticiens. Plusieurs rapports scientifiques pointent que toutes les techniques intervenant directement dans le génome provoquent des « effets non intentionnels » quel que soit le niveau de précision de celles-ci. En effet, le simple fait de devoir passer la membrane cellulaire pour accéder au génome, et de recréer une plante entière à partir d’une cellule modifiée provoque un nombre important de mutations.
Une étude publiée il y a quelques jours dans le très respecté Nature Method[1] va encore plus loin. Elle démontre que CRISPR/CAS 9 - la technique d’édition de gènes la plus prometteuse et supposément la plus précise - provoque non seulement de nombreux effets non intentionnels sur des souris, mais que ces mutations se produisent à des endroits où aucun chercheurs ne pensaient les trouver (et donc où personne ne les cherchait). De plus, elles ne se produisent pas de façon aléatoire mais toujours aux mêmes endroits du génome. Cela signifie qu’il y a quelque chose de central dans le fonctionnement de CRISPR/CAS 9 que les généticiens n’ont pas encore compris ! Un champ de recherche excitant pour les années à venir, mais également la preuve que ces techniques ne sont assez au point pour être utilisées sur des organismes vivants destinés à être diffusés dans l’environnement... ou dans notre alimentation.
En bref, ces techniques sont si récentes que la recherche les concernant est loin d’être suffisamment complète pour les juger. Chaque nouvelle étude change, parfois de manière spectaculaire l’état du débat (ce qui est parfaitement normal pour un nouveau sujet de recherche). Rappelons-nous que les mêmes débats ont eu lieu dans les années 90 à propos de la transgénèse et que nombreuses suppositions avaient été faites concernant sa précision qui se sont avérées fausses.
Nous estimons donc qu’il y a d’excellentes raisons d’être prudent et de respecter le principe de précaution en la matière. Il n’y a aucune raison de déréglementer ces techniques ou de leur forger une réglementation allégée alors que la réglementation européenne sur les OGM offre déjà un cadre adapté. C’est d’autant plus vrai que notre société n’a en réalité pas besoin de ces techniques pour sélectionner des semences et des animaux adaptés aux besoins des agriculteurs et résistants au changement climatique. La sélection classique a en effet prouvé qu’elle était plus rapide et plus efficace que les biotechnologies pour produire des plantes résistantes à la sécheresse et la comparaison entre les USA (où l’on cultive massivement des plantes GM) et l’Union européenne (où les cultures GM sont rares) n’a montré aucune différence notable dans les rendements et une utilisation bien supérieure d’herbicides sur les cultures GM[2].
Enfin, la sélection classique ne permet - normalement - pas le dépôt de brevets. Un avantage majeur quand il s’agit de la source de toute vie (semences de plantes ou d’animaux) et de notre alimentation. Mettre la sécurité alimentaire dans les mains de grosses multinationales dont le premier intérêt est - par définition - le profit, est un scénario extrêmement effrayant que nous, Verts/ALE, refusons tout net.