Les Droits fondamentaux et l'Immigration sous la Commission Juncker
La déclaration de la députée verte néerlandaise Judith Sargentini sur les choix provocateurs quant aux candidats
Dans l'ensemble, êtes-vous satisfaite de la proposition de Jean-Claude Juncker ?
Alors que le président élu Juncker a fait des constats positifs en ce qui concerne la nécessité de répondre aux défis posés par l'immigration et les droits fondamentaux en Europe, certaines de ses propositions en termes de candidats soulèvent de sérieuses questions.
Quelle a été votre première réaction face aux candidats proposés en charge de la politique d'immigration et de la citoyenneté ?
La décision de proposer l'ancien ministre des Affaires étrangères hongrois, Tibor Navracsics en tant que commissaire chargé de l'éducation, de la culture, de la jeunesse et (surtout) de la citoyenneté est étonnant. Monsieur Navracsics a joué un rôle de premier plan dans le gouvernement dirigé par Viktor Orbán qui a été largement critiqué pour avoir instauré un programme anti-démocratique, compromettant la liberté des médias, le pluralisme et l'indépendance du pouvoir judiciaire. Récemment, le Bureau national d'enquête hongrois accompagné des forces spéciales de police, ont perquisitionné les bureaux de deux ONG, travaillant à la promotion des droits de l'homme et de la démocratie, sans raisons légitimes claires. Pourquoi une telle mesure, disproportionnée, a-t-elle été jugée nécessaire ? Nous, le groupe Verts/ALE, avons demandé au président du Parlement européen Martin Schulz d’enquêter sur ces faits et à la Commission européenne d'appliquer le nouveau mécanisme d'État de droit. Comment un commissaire qui a joué un rôle clé dans un gouvernement qui viole les libertés et valeurs démocratiques fondamentales peut-il contribuer positivement au domaine de l'éducation, de la culture et de la jeunesse au sein de l'UE ? N'est-ce pas une véritable provocation que de le mettre en charge de la citoyenneté ?
La décision de proposer un ancien ministre de la Défense grec, Dimitris Avramopoulos, en tant que commissaire en charge de l'immigration est également pour le moins curieux. Le gouvernement grec sous Néa Dimokratia (ND), dont Avramopoulos est une figure marquante, a été soumis à de nombreuses critiques en raison de son manque d'action significative contre le harcèlement des migrants, l'antifascisme et les comportements racistes. La détention de 80.000 migrants à Athènes a été un épisode particulièrement noir. Le choix de Juncker de désigner Avramopoulos à ce portefeuille n'inspire pas confiance pour une politique migratoire plus humaine. Dans ce contexte, il sera intéressant de voir comment il a l'intention d'élaborer les politiques et quel genre d'initiative il entend prendre pour réformer ce domaine.
Qu'en est-il de la structure des portefeuilles qu'ils auront ?
Juncker a présenté l'immigration comme l'un des défis les plus urgents et l'une des dix priorités politiques de son programme pour renouveler l'UE au cours des cinq années à venir. Afin de « veiller à ce que des situations comme celle de Lampedusa ne surviennent pas à nouveau », il a souligné son intention de confier à un commissaire « la responsabilité de la migration ». Dans la nouvelle structure créée par Juncker, le commissaire devra travailler en étroite collaboration avec le premier vice-président de la Commission européenne, Frans Timmermans. Le commissaire devra également travailler conjointement avec la prochaine Haute Représentante de l’UE pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, Frederica Mogherini. Des garanties supplémentaires ont été données en désignant Timmermans avec la responsabilité de « veiller à ce que chaque proposition ou initiative de la Commission soit conforme à la Charte des droits fondamentaux » de l'UE, en particulier dans le domaine de la migration. Étant donné le choix du commissaire en charge de l'immigration, cela met une lourde responsabilité sur Timmermans en tant que gardien des droits fondamentaux des migrants.
Si vous pouviez poser une question aux candidats, quelle serait-elle ?
Je m'adresserais à Dimitris Avramopoulos au sujet des drames récurrents en Méditerranée et lui demanderais ce qu'il entend faire face aux bateaux transportant des centaines de migrants de l'Égypte à Malte qui ont encore été délibérément coulé par les passeurs, la semaine dernière. Quelles mesures concrètes le commissaire prendra à court terme pour résoudre les problèmes urgents liés à « la migration par bateau » ?
À quelles autres questions pensez-vous que les candidats devront répondre à leur audition ?
L'abus des travailleurs migrants vulnérables dans l'UE pour le gain économique est toujours une question urgente. Le commissaire doit se pencher sur les initiatives et les mesures qu'il prendra pour lutter contre l'exploitation des travailleurs migrants.