Une nouvelle loi européenne pour plus de transparence dans la chaîne alimentaire ?
Mettons fin à l'opacité entourant les pesticides, les OGM, et les additifs !
Une nouvelle loi européenne pour plus de transparence dans l’évaluation des risques
de la chaîne alimentaire ?
La démocratie et la science ont ceci en commun qu’elles ne peuvent pas vivre dans l’obscurité. La polémique autour de la ré-autorisation de l’herbicide glyphosate a mis un coup de projecteur sur l’opacité qui règne dans l’évaluation et le processus d’autorisations des pesticides dans l’UE.
L’Initiative Citoyenne Européenne (ICE) ‘Stop Glyphosate’, signée par plus de 1 400 000 citoyens européens a notamment soulevé le fait que les études utilisées pour prouver la non-toxicité de l'herbicide n’ont, pour la plupart d'entre elles, jamais été publiées, mais une l’influence indue de l’industrie dans ces processus institutionnels. Ces sérieusement compromis la confiance des citoyens de l’UE dans nos institutions.
Une réponse insuffisante
C’est en réponse à cette ICE que la Commission européenne a publié en avril 2018 une proposition législative concernant un nouveau règlement de l'UE sur « la transparence et la durabilité de l'évaluation des risques de l'UE dans la chaîne alimentaire », impactant l’ensemble de la législation alimentaire de l'UE ainsi que d'autres réglementations connexes (pesticides, OGM, additifs alimentaires et nouveaux aliments).
Le texte de la Commission vise entre autres à restaurer la confiance des citoyens en les informant mieux - notamment en créant un nouveau cadre pour la communication des institutions européennes autour du risque - mais aussi en améliorant la transparence et l’indépendance dans l’ensemble du processus. Il modifie également la composition du conseil d’administration et des panels scientifiques de l’EFSA afin qu’ils soient plus ouverts à la société civile et plus indépendant.
Mesure phare pour augmenter la transparence, le projet de texte crée un registre public des études utilisées pour évaluer les produits concernés (pesticides, OGM...), répondant ainsi à l’une des demandes principales des ONGs. Enfin, de nouvelles règles sont censé clarifier quelles informations sont publiques ou au contraire confidentielles.
Aussi positifs que soient les objectifs affichés par la Commission, ce projet a rapidement provoqué des réactions inquiètes de la part des ONGs, renforcées par plusieurs études légales publiées depuis juin. En effet, les nouvelles mesures concernant la confidentialité semblent créer un nouveau régime légal pour l’alimentation et les OGM dans lequel les droits de propriétés intellectuels seraient en réalité plus fortement protégés que dans la législation transversale, au détriment du droit des citoyens à accéder aux information qui concernent leur santé ou l’environnement.
Un pas dans la bonne direction
La commission de l’environnement du Parlement européen, en charge du projet de rapport, s’est efforcée de faire en sorte que le texte de la Commission atteigne réellement les objectifs fixés. Dans le rapport voté le mardi 17 novembre, la commission s’est par exemple assurée que les informations relatives à la santé ou à l’environnement ne seraient jamais considérées comme confidentielles et que les droits énoncés dans les règlements concernant l’accès aux documents et dans la convention d’Aarhus ne seraient pas affaiblis.
Ce vote a aussi confirmé la proposition selon laquelle les études devraient être publiées dans le registre des études avant que l'EFSA ne rende son avis, permettant ainsi à des scientifiques indépendants d'analyser ces études et leur laissant assez de temps pour que leur avis puis être pris en compte. Concernant le processus d'autorisation lui-même, le rapport demande également que les résultats détaillés des votes des États membres soient rendus publics.
Cependant, le rapport n'est pas parfait - il ne corrige pas l'un des défauts majeurs du texte de la Commission, à savoir la création de listes d’informations a priori confidentielles, et l'ouvre même aux « idées innovantes », un concept tellement large qu'il pourrait être interprété de façon très large par les entreprises. En ce qui concerne les OGM, par exemple, les modèles de sélection et les séquences d’ADN seraient considérés dans le nouveau texte comme des données confidentielles, alors qu’ils sont absolument nécessaires pour évaluer les impacts des OGM sur l’environnement.
Le Parlement européen défendra-t-il la transparence ?
Le rapport peut encore être amélioré par le biais d'amendements lors du vote en plénière, fixés pour le 11 décembre ... mais il pourrait également être gravement détérioré. En effet, même au sein de la commission de l'environnement, les débats étaient loin d'être sereins.
Pour Michele Rivasi, qui est l’une des 4 députés Verts européens à avoir attaqué l’EFSA devant la justice européenne pour leur manque de transparence : “ Il est naturel que les entreprises cherchent à défendre leurs intérêts. Mais nous, en tant que législateurs, notre devoir est de donner des règles qui servent l’intérêt général. Nous savons maintenant combien l’accès aux études est un enjeu de l’évaluation scientifique, et la condition de l’exercice de la vigilance de la société civile. C’est d’ailleurs la raison pour laquelle nous avons saisi la Cour de Justice Européenne contre l’EFSA afin de fixer un précédent juridique au sujet des études confidentielles fournies pour évaluer l’effet cancérigène du glyphosate. La transparence doit devenir la règle et non plus l’exception. Ce n’est qu’à ce titre que nous pourrons restaurer la confiance des citoyens européens dans nos institutions européennes...”
Cette ingérence de la part des entreprises rend le vote en plénière très incertain, ce qui a amené la plate-forme citoyenne Wemove.org à créer une campagne d’e-mailing en direction des membres du Parlement européen, les appelant à soutenir la transparence.
Ce vote n’est bien sûr pas la fin du débat européen sur le processus d’autorisation des substances potentiellement dangereuses - la prochaine législature devra donner suite aux nombreuses autres questions soulevées par la commission Pest[1], qui vient tout juste de voter son projet de rapport. Néanmoins, il s’agit d’une étape très importante pour parvenir à une UE véritablement protectrice de la santé de ses citoyens et de l’environnement.
[1] Créé suite à la polémique autour de la ré-autorisation du glyphosate, cette commission a pour objet de faire des propositions de réforme du système d’évaluation et d’autorisation des pesticides dans l’UE