Situation en Haïti un an après le séisme
Proposition de résolution des Verts/ALE
Le Parlement européen,
– vu la Conférence internationale des donateurs pour un nouvel avenir en Haïti, qui s'est tenue à New York le 31 mars 2010, et le rapport de mission de la délégation de la commission du développement du Parlement européen à New York,
– vu le plan d'action pour le relèvement et le développement national d'Haïti, les grands chantiers pour l'avenir, de mars 2010,
– vu les conclusions de la réunion extraordinaire du Conseil des ministres des affaires étrangères, qui a eu lieu à Bruxelles le 18 janvier 2010,
– vu la déclaration sur le séisme en Haïti, faite par la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité le 19 janvier 2010,
– vu les conclusions de la conférence ministérielle préparatoire, organisée à Montréal le 25 janvier 2010,
– vu le consensus européen sur l'aide humanitaire, signé par les trois institutions européennes en décembre 2007,
– vu sa résolution du 10 février 2010 sur le récent séisme en Haïti,
– vu le rapport de mission de la commission du développement du Parlement européen à Haïti (25-27 juin),
– vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que le séisme de magnitude 7,3 sur l'échelle de Richter, qui a frappé Haïti le 12 janvier 2010, a fait 222 750 morts, a affecté 3 millions de personnes et a déplacé près de 1,7 million de personnes dont plus d'un million est toujours installé dans des camps de fortune qui devaient être temporaires,
B. considérant que un an après le tremblement de terre, la situation en Haïti reste chaotique, le pays est toujours en situation d'urgence et la reconstruction peine à démarrer,
C. considérant que des décennies de pauvreté, de dégradation de l'environnement, de vulnérabilité aux multiples catastrophes naturelles, de violence, d'instabilité politique et de dictature ont fait de ce pays le plus pauvre des Amériques, et que les dommages provoqués par le séisme ont aggravé davantage l'incapacité de l'État à fournir des services publics élémentaires et donc à répondre activement aux efforts de secours et de reconstruction,
D. considérant qu'à ce jour, seules quelques centaines de millions de dollars sur les 10 milliards promis lors de la Conférence internationale des donateurs pour la reconstruction d'Haïti, qui s'est tenue à New York le 31 mars 2010, ont été effectivement versées,
E. considérant qu'une commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti (CIRH) a été créée sur proposition haïtienne, afin d'assurer la coordination et le déploiement efficace des ressources et de mettre en œuvre le plan d'action pour le développement d'Haïti, et considérant que la Commission, en tant que principal donateur, est membre de la CIRH et a un droit de vote,
F. considérant que l'enlèvement des gravats constitue un défi majeur pour la reconstruction du pays - moins de 5 % des ruines ont été déblayées - et qu'au rythme actuel il faudra 6 ans pour déblayer 20 millions de mètres cubes de gravats, et qu'il faudrait 180 camions travaillant 24 heures sur 24 pendant 18 mois pour se débarrasser des gravats,
G. considérant que l'épidémie de choléra, qui s'est déclenchée le 19 octobre 2010, a fait à ce jour 3 333 victimes et que plus de 148 000 personnes sont affectées, que la propagation de l'épidémie souligne les évidentes carences structurelles de l'État haïtien et les limites du système de l'aide internationale et de la Minustah, et que les activités de réponse au choléra sont notamment affectées par la crise politique actuelle née des élections,
H. considérant que les élections du 28 novembre, dont les résultats ont été proclamés début décembre, ont provoqué de violentes manifestations en Haïti et de nombreuses dénonciations de fraudes, et que la communauté internationale devrait soutenir un processus électoral transparent et légitime afin d'assurer la sincérité du scrutin indispensable à la reconstruction du pays,
1. rappelle la forte mobilisation de la communauté internationale suite au séisme dévastateur en Haïti et sa réelle volonté politique de soutien à la reconstruction d'Haïti, autrement, en ne commettant pas les erreurs du passé, et de s'attaquer une fois pour toutes aux causes profondes de la pauvreté en Haïti;
2. déplore l'ampleur de la catastrophe en Haïti dont les effets restent encore bien visibles un an après le séisme, se félicite du montant de l'aide humanitaire de la Commission en faveur d'Haïti qui s'élève à 120 millions d'euros (dont 12 millions en faveur de la lutte contre le choléra) et de l'engagement du commissaire européen en charge de la coopération internationale, de l'aide humanitaire et de la protection civile ainsi que de la DG ECHO et de ses experts;
3. souligne que la mise en place des "clusters" a permis la coordination sur le terrain des interventions humanitaires mais que cette méthode a cependant montré ses limites face à la grande multiplicité des acteurs humanitaires et la complexité de l'urgence en raison de la forte concentration urbaine;
4. salue les efforts déployés et le travail réalisé par les organisations humanitaires (Croix‑Rouge, ONG, Nations unies) et les États membres et insiste sur une communication nécessaire des effets non visibles des interventions humanitaires et le fait que la situation a pu être maitrisée notamment par la prise en charge des blessés, un approvisionnement en eau potable et en denrées alimentaires, ainsi que des abris provisoires;
5. constate que l'épidémie de choléra a mis en lumière l'incapacité presque totale de l'État haïtien, face à une maladie facile à prévenir et à guérir, et les limites du système de l'aide internationale dans un pays qui bénéficie d'un déploiement humanitaire massif (12 000 ONG), souligne que les acteurs humanitaires ne peuvent pas continuer à pallier les faiblesses de l'État haïtien ou à se substituer à ce dernier et qu'il est urgent d'agir enfin dans le développement sur le long terme, notamment pour l'accès aux soins de santé, à l'eau potable et l'assainissement;
6. se félicite de l'engagement, pris collectivement par la Commission et les États membres, d'un montant de 1,2 milliard d'euros ‑ dont 460 millions d'aide non-humanitaire de la Commission ‑, lors de la Conférence internationale des donateurs pour la reconstruction d'Haïti; réitère sa demande pour que l'Union européenne, en tant que principal bailleur de fonds, joue un rôle de leadership politique dans les efforts de reconstruction;
7. demande à la Commission et aux États membres d'intégrer la production alimentaire locale et la sécurité alimentaire dans les efforts de reconstruction en Haïti, par le développement des infrastructures rurales et l'aide aux petits agriculteurs, dans le cadre de leur approche conjointe dans la programmation de leurs ressources pour la reconstruction d'Haïti et de la revue à mi‑parcours de la programmation des fonds restants de la Commission, soit 169 millions d'euros toujours disponibles sur les 460 millions annoncés à New York;
8. déplore le fait que la commission intérimaire pour la reconstruction d'Haïti, qui doit jouer un rôle central dans la coordination de la reconstruction, ait commencé tardivement ses travaux, regrette le manque d'informations quant à son fonctionnement et son efficacité, et demande à la Commission, membre de la CIRH, d'intervenir pour accélérer la mise en œuvre du mandat de cette dernière, et de présenter au Parlement européen un rapport sur les activités de la CIRH , sur le déploiement des ressources et sur les fonds, promis à la Conférence de New York, effectivement engagés pour la reconstruction;
9. reconnaît que la CIRH, structure centrale de gestion de la reconstruction, ne peut fonctionner efficacement que par le rétablissement des capacités étatiques haïtiennes et par le renouvellement des dirigeants haïtiens qui doivent être élus suite à un scrutin électoral transparent et légitime, et par une réelle volonté politique de prendre les décisions indispensables pour s'attaquer à ce chantier titanesque;
10. déplore le fait que les Haïtiens ne disposent que de pelles, pioches et brouettes pour évacuer les tonnes de gravats ‑ par des activités de "cash for work" ‑ qui bloquent la capitale, ce qui paraît dérisoire au vu de l'ampleur de la situation; souligne que l'enlèvement des gravats est indispensable pour la reconstruction d'Haïti et regrette que pratiquement aucun fonds n'ait été débloqué pour déblayer les décombres;
11. déplore la crise majeure du logement en Haïti; souligne que la relocalisation des sans-abri, installés pour la plupart dans des camps de fortune, principalement dans la capitale, Port‑au‑Prince, se heurte au manque de terrains disponibles, à un système foncier inexistant et à la mainmise de la diaspora sur de nombreuses parcelles, et en appelle à la volonté politique des autorités haïtiennes de prendre des dispositions volontaristes, notamment d'expropriation;
12. exprime son inquiétude grandissante face à la situation des enfants haïtiens, suite au tremblement de terre qui a frappé de plein fouet plus de 800 000 enfants, qui ont été exposés aux dangers de la violence, des abus sexuels, de la traite d'êtres humains, de l'exploitation et de l'abandon, et demande à l'Union européenne (Commission) de s'engager résolument afin de rétablir un cadre de vie protecteur et sûr pour les enfants, afin de soutenir le processus de mise en place d'un système de protection sociale en Haïti et afin de soutenir la réforme de l'enseignement;
13. demande à l'Union européenne de collaborer avec le gouvernement de l'île pour rédiger une législation globale qui protège les droits des enfants, pour mettre en œuvre dans le droit national les obligations qui découlent de nombreux instruments internationaux, ratifiés par Haïti, dans le domaine des droits de l'enfant, des droits de l'homme, sur l'élimination de l'esclavage et sur la protection des droits de l'enfant;
14. estime qu'il est extrêmement important que la Commission soutienne la mise en œuvre du processus d'identification, de recensement et de recherche des familles des enfants qui en sont séparés et d'identifier la vigilance spéciale aux frontières afin de contrer la traite et l'adoption illégale des enfants;
15. insiste sur le fait qu'il est essentiel de rétablir immédiatement les capacités de l'État haïtien à faire fonctionner la démocratie et la bonne gouvernance du pays, indispensables à la reconstruction du pays, et de veiller à l'implication de la société civile et de la population haïtiennes;
16. exprime sa vive préoccupation quant à la crise politique actuelle, suite aux résultats des scrutins présidentiel et législatif fortement contestés et prudemment cautionnés par les missions d'observateurs étrangers, et qui font actuellement l'objet d'un recomptage des voix par des experts dépêchés par l'Organisation des États américains;
17. demande à l'Union européenne de faire tout ce qui est en son pouvoir pour soutenir fortement un processus électoral légitime et transparent et le bon déroulement du second tour prévu en février, pour éviter qu'Haïti ne tombe dans une crise plus grave, estime que seul un Président élu et légitime et des parlementaires légitimes pourront prendre les décisions nécessaires et que la reconstruction réclame la stabilité et la volonté politique;
18. demande à la Communauté internationale et à l'Union européenne de coopérer étroitement avec les futures autorités haïtiennes et de les accompagner dans l'organisation de leurs institutions, vers un nouvel équilibre à tous les niveaux, vers une démocratie pleinement opérationnelle, et tout le long du processus de reconstruction;
19. demande à la Commission que, dans l'esprit du consensus européen sur l'aide humanitaire, un effort significatif soit fourni afin d'intégrer la dimension liée à la préparation aux catastrophes et à la réduction des risques de catastrophes, en collaboration avec le gouvernement, les autorités locales et la société civile, dans la phase d'urgence et de développement sur le long terme;
20. constate que l'aide humanitaire est présente en Haïti depuis des décennies et que l'importance du lien entre l'aide d'urgence, la réhabilitation et le développement prend tout son sens dans cette crise, plaide ainsi pour une amélioration du dialogue et de la coordination entre les organisations humanitaires et les agences de développement sur le terrain et au sein des institutions européennes et des États membres;
21. charge son Président de transmettre la présente résolution à la haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, au Conseil, à la Commission et aux États membres, au Président et au gouvernement d'Haïti et au Secrétaire général de l'ONU.