Situation en Egypte
Proposition de résolution du Groupe des Verts/ALE
Déposée par Franziska Katharina Brantner, Hélène Flautre, Frieda Brepoels, Raül Romeva i Rueda, Judith Sargentini, Indrek Tarand, Margrete Auken, Malika Benarab-Attou, Bart Staes, Barbara Lochbihler, Emilie Turunen, Catherine Grèze, Michail Tremopoulos, François Alfonsi, Keith Taylor, Heidi Hautala, Eva Joly, Daniel Cohn-Bendit, Isabelle Durant, Ulrike Lunacek
au nom du groupe Verts/ALE
Le Parlement européen,
– vu ses résolutions antérieures sur l'Égypte et en particulier celle du 17 janvier 2008,
– vu la déclaration universelle des droits de l'homme, adoptée en 1948,
– vu le pacte international relatif aux droits civils et politiques de 1966,
– vu les orientations de l'UE relatives aux défenseurs des droits de l'homme de juin 2004, actualisées en 2008,
– vu le développement de la politique européenne de voisinage depuis 2004 et, en particulier, les rapports de suivi de la Commission sur sa mise en œuvre,
– vu l'accord d'association euro-méditerranéen conclu entre l'Union européenne et l'Égypte, et entré en vigueur en juin 2004,
– vu le plan d'action PEV UE–Égypte approuvé en mars 2007,
– vu les communications de la Commission du 11 mars 2003 sur l'Europe élargie – Voisinage: un nouveau cadre pour les relations avec nos voisins de l'Est et du Sud(1), du 12 mai 2004 sur la politique européenne de voisinage – Document d'orientation(2), du 4 décembre 2006 sur le renforcement de la politique européenne de voisinage(3), du 5 décembre 2007 sur une politique européenne de voisinage forte(4) et du 12 mai 2010 sur le bilan de la politique européenne de voisinage(5),
– vu la décision commune d'avril 2009 visant à œuvrer au renforcement des relations entre l'UE et l'Égypte, comme proposé par l'Égypte en 2008,
– vu les conclusions du Conseil du 31 janvier 2011 sur l'Égypte,
– vu les déclarations de Catherine Ashton, vice-présidente de la Commission et haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, sur la situation en Égypte des 3 et 4 février 2011,
– vu la déclaration d'un groupe d'experts indépendants des Nations unies en matière de droits de l'homme du 3 février 2011,
– vu la déclaration du Président Van Rompuy sur l'Égypte et la région du 4 février 2011,
– vu la déclaration de Navi Pillay, Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations unies, sur la situation actuelle en Afrique du Nord du 4 février 2011,
– vu ses résolutions antérieures du 19 janvier 2006 sur la politique de voisinage, du 15 novembre 2007 sur le renforcement de la politique de voisinage, du 19 février 2009 sur le processus de Barcelone: Union pour la Méditerranée, du 20 mai 2010 sur l'Union pour la Méditerranée, du 6 juillet 2006 sur l'instrument européen de voisinage et de partenariat (IEVP) et du 19 février 2009 sur l'analyse de l'IEVP,
– vu l'article 110, paragraphe 2, de son règlement,
A. considérant que les manifestations pacifiques organisées en Égypte ainsi que dans d'autres pays arabes pour réclamer des changements politiques, économiques et sociaux ont exprimé la vive aspiration populaire à une démocratie véritable et à la fin du régime autoritaire; que les protestations persistantes et les événements qui ont débuté en Tunisie traduisent clairement le souhait de ces peuples en matière de liberté et de démocratie,
B. considérant que les manifestations- massives observées en Égypte à partir du 25 janvier ont fait bien plus de 300 victimes, cependant qu'un grand nombre de personnes ont été blessées et arrêtées, que d'importantes manifestations se poursuivent dans les principales villes d'Égypte et que l'ampleur de ces manifestations est sans précédent dans l'histoire de l'Égypte et du monde arabe,
C. considérant que les manifestations, qui étaient au départ pacifiques, deviennent de plus en plus violentes, des individus armés, des milices favorables au gouvernement et des membres de la police attaquant les manifestants en utilisant des gaz lacrymogènes et des balles en caoutchouc ainsi que des canons à eau, que le ministère de l'Intérieur a décidé de suspendre les services de la police dans le pays après la manifestation historique du 28 janvier, laissant la population dans l'insécurité,
D. considérant que les autorités égyptiennes ont ordonné aux sociétés de télécommunications de fermer 60 millions de lignes de téléphones portables en Égypte et de suspendre la plupart des accès à l'Internet en Égypte, afin d'empêcher une mobilisation massive et de réduire les citoyens au silence, que la police militaire a fermé des centres de medias et des centres juridiques comme Al-Jazira et le Centre Hisham Moubarak pour le droit,
E. considérant que l'on a enregistré un nombre croissant d'attaques et d'arrestations de journalistes et de défenseurs des droits de l'homme égyptiens et internationaux depuis la fin janvier, démarches visant à entraver l'information indépendante sur les manifestations et à créer un environnement où les violations des droits de l'homme puissent être perpétrées à l'abri des micros et des caméras ainsi que des regards des médias égyptiens et internationaux;
F. souligne que tout changement en Égypte suppose un dialogue immédiat, ouvert et sérieux auquel participent toutes les forces politiques respectant les normes démocratiques ainsi que la société civile, processus devant déboucher sur des mesures urgentes, concrètes et résolues visant à mettre en œuvre des réformes démocratiques substantielles;
G. considérant que le partenariat euro-méditerranéen est principalement axé sur les réformes économiques et n'est pas parvenu à rendre possibles les indispensables réformes politiques et institutionnelles; que l'Union pour la Méditerranée, qui était censée renforcer la politique de l'UE dans la région, s'est avérée incapable de répondre à une méfiance croissante et de satisfaire les besoins fondamentaux de la population concernée,
H. considérant que les relations de l'UE ont privilégié les partenariats avec des régimes autoritaires et leurs dirigeants et ont négligé le dialogue avec les sociétés civiles et les forces démocratiques du rivage méridional de la Méditerranée,
I. considérant que la promotion et le respect de la démocratie, des droits de l'homme et des libertés publiques sont des principes et des objectifs fondamentaux de l'UE et doivent compter parmi les valeurs partagées de la région euro-méditerranéenne,
J. considérant que le Parlement européen a réclamé à de nombreuses reprises la levée de l'état d'urgence, en vigueur de façon pratiquement permanente depuis 1967, le renforcement de la démocratie et le respect des droits de l'homme et des libertés fondamentales en Égypte,
K. considérant que le Conseil a réaffirmé dans ses conclusions du 31 janvier 2011 son appui à une Égypte démocratique, pluraliste et stable, partenaire clé de l'UE eu égard à son rôle important, et a confirmé son engagement à accompagner, à travers un partenariat, le processus de transformation égyptien en mobilisant, en rénovant et en adaptant les instruments existants pour soutenir les réformes politiques, économiques et sociales,
1. soutient fermement les aspirations démocratiques légitimes exprimées par le peuple d'Égypte et d'autres pays arabes; exprime sa solidarité avec les manifestants pacifiques et condamne vigoureusement la violence et toutes les personnes qui recourent à la violence ou l'encouragent et tentent de déstabiliser la situation;
2. déplore vivement le grand nombre de morts et de blessés enregistré pendant les manifestations et exprime ses condoléances et sa sympathie aux familles des victimes;
3. demande la démission de M. Hosni Moubarak, Président égyptien, et estime que ce geste ouvrirait la voie plus facilement à un processus de transition débouchant sur la formation d'un gouvernement provisoire associant toutes les forces démocratiques et les acteurs de la société civile afin de garantir des mesures urgentes, concrètes et résolues telles que les réformes politiques, institutionnelles et constitutionnelles, la levée de l´état d'urgence et l'organisation d'élections législatives et présidentielles libres et équitables;
4. demande instamment aux autorités égyptiennes de garantir l'exercice du droit de manifester pacifiquement et de veiller à ce que les forces de l'ordre s'abstiennent de recourir à une violence excessive et superflue à l'égard des manifestants; rappelle aux autorités égyptiennes et aux forces de sécurité qu'elles sont tenues d'assurer la sécurité de tous les citoyens;
5. réclame la libération immédiate et inconditionnelle de tous les prisonniers d'opinion, des manifestants pacifiques et des défenseurs des droits de l'homme, des journalistes et des juristes égyptiens et internationaux détenus au mépris des obligations internationales de l'Égypte ainsi que des engagements pris par Omar Souleiman, vice-président; invite instamment les autorités égyptiennes, à cet égard, à indiquer immédiatement où se trouvent les personnes détenues et à faire en sorte qu'elles soient protégées de toute forme de torture ou de mauvais traitement;
6. demande aux autorités égyptiennes de rétablir pleinement et de s'abstenir de censurer les réseaux de communication, tant Internet que les services mobiles, et condamne vivement tous les actes d'intimidation, d'agression et de harcèlement visant les journalistes;
7. demande instamment aux compagnies téléphoniques en Égypte et hors d'Égypte de faire preuve de responsabilité dans le respect de la liberté d'expression et de la vie privée, et de prendre toutes les mesures possibles pour éviter d'être complices de violations de la liberté d'expression et de la liberté de recevoir et de diffuser l'information;
8. dénonce fermement les violations massives et graves des droits de l'homme perpétrées depuis le 25 janvier; invite le Conseil des droits de l'homme des Nations unies à tenir une réunion spéciale sur la situation en Égypte;
9. réclame la création d'une commission d'enquête indépendante pour examiner les exactions des forces de sécurité et le recours excessif à la force et poursuivre les responsables de ces agissements dans le cadre de procès équitables; souligne le rôle que les mécanismes des droits de l'homme des Nations unies peuvent jouer dans ce contexte et demande l'envoi immédiat de missions d'observateurs des droits de l'homme en Égypte;
10. réclame un soutien substantiel et efficace de l'UE à la transformation démocratique ainsi qu'au développement social et économique en Égypte, y compris à la promotion des droits des femmes, et chez les autres voisins méridionaux concernés, ce qui passe par une mobilisation, une révision et une adaptation des instruments existants de l'UE destinés à soutenir les réformes politiques, économiques et sociales;
11. se félicite à cet égard de la déclaration constructive du premier ministre turc Erdogan, qui a réclamé une administration de transition en Égypte, laquelle devrait contribuer au passage à la démocratie et éviter une aggravation du chaos;
12. se félicite de la décision du Conseil et du règlement du 7 février 2011 imposant le gel des avoirs détenus ou contrôlés par des personnes considérées comme responsables du détournement de fonds publics en Tunisie ainsi que des personnes associées à celles-ci, et demande au Conseil d'adopter les mêmes mesures à l'égard de l'Égypte;
13. appelle la Fondation euro-méditerranéenne Anna Lindh, institution de l'Union pour la Méditerranée, à jouer d'urgence un rôle actif dans la mobilisation de la société civile de la région Euromed pour y promouvoir la citoyenneté, la participation, les droits de l'homme et la démocratie par le biais du dialogue et des échanges entre la jeunesse des pays partenaires européens et méditerranéens, en particulier des pays arabes;
14. souligne que la révision stratégique en cours de la politique de voisinage et l'aménagement futur des relations de l'UE avec ses voisins méridionaux doivent tenir compte de l'évolution en cours dans la région et la refléter; fait observer à cet égard que les plans d'action actuels doivent être profondément revus, ce qui comporte la définition de priorités claires accompagnées de mesures d'incitation en ce qui concerne les réformes politiques;
15. estime qu'il importe au plus haut point de reconsidérer et de revoir d'urgence la stratégie de l'UE à l'égard de la Méditerranée et que cette nouvelle stratégie devrait renforcer le dialogue politique et le soutien à l'ensemble des forces démocratiques, y compris les acteurs de la société civile; invite à cet égard le Conseil à définir un ensemble de critères politiques auxquels les pays du voisinage devraient satisfaire pour obtenir un statut supérieur;
16. demande au Conseil et à la Commission de revoir la politique de voisinage à l'égard des voisins méridionaux de manière à fournir de l'aide et des moyens à une transition démocratique véritable et posant les jalons de réformes politiques et institutionnelles approfondies; souligne que la révision de la politique de voisinage doit donner priorité aux critères relatifs à l'indépendance du pouvoir judiciaire, au respect des libertés fondamentales et à la lutte contre la corruption;
17. juge crucial le rôle que peuvent jouer les instruments financiers de l'UE sous l'angle de l'action extérieure à l'égard de la région, notamment l'IEVP (Instrument européen de voisinage et de partenariat), l'IEDDH (Instrument européen pour la démocratie et les droits de l'homme) ainsi que l'Instrument de stabilité, et réclame leur renforcement pour qu'ils puissent être utilisés efficacement et de manière cohérente dans ces circonstances exceptionnelles; souligne par ailleurs qu'il importe de régler rapidement la question de la hausse des prix des denrées alimentaires et, d'une manière générale, celles de la sécurité alimentaire et du développement rural;
18. attend de l'Égypte - et soutient ses efforts en ce sens - qu'elle continue à jouer un rôle actif et constructif pour tenter d'instaurer une paix durable au Moyen-Orient, en particulier pour ce qui est du conflit israélo-palestinien et du processus de réconciliation palestinienne;
19. charge son Président de transmettre la présente résolution à la vice-présidente de la Commission/haute représentante de l'Union pour les affaires étrangères et la politique de sécurité, aux gouvernements et parlements des États membres, aux autorités égyptiennes, à l'Assemblée parlementaire de l'Union pour la Méditerranée, au Haut Commissaire aux droits de l'homme des Nations unies ainsi qu'au Conseil des droits de l'homme des Nations unies.
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