Finance verte et biodiversité: les dérives d’un marché des “droits à détruire la nature”
Une étude commanditée par le Groupe de travail Transition écologique des Verts/ALE
INTRODUCTION
La perte de biodiversité atteint des niveaux critiques tandis que nous entrons, selon les scientifiques, dans une 6e vague d’extinction des espèces potentiellement 100 fois plus importante que les extinctions de masse précédentes avec jusqu’à 75% des espèces susceptibles de disparaître au cours des siècles à venir. Les chercheurs parlent d’« anéantissement biologique », et les scientifiques tirent la sonnette d’alarme sur le point de non-retour de l’effondrement de notre civilisation que cela représente.
Combattre la perte de la biodiversité est par conséquent l’un des problèmes majeurs de notre génération. Alors que le débat public se concentre sur les objectifs qui font les grands titres des médias, les outils utilisés pour atteindre ces derniers sont rarement l’objet de discussions.
Ces outils sont aussi importants cependant que les objectifs qu’ils visent à réaliser et évoluent significativement. La Stratégie biodiversité européenne 2030 publiée en mai 2020 est un premier pas bienvenu dans ce sens. Le groupe des Verts / Alliance libre européenne ont particulièrement salué l’ambition de la Commission de protéger 30% des terres et mers en Europe d’ici à 2030 et de réserver au moins 10% des terres agricoles à la faune et à la flore sauvages, permettant à la biodiversité de se développer dans les fermes et ainsi d’augmenter la productivité et la fertilité des sols. Les Verts ont également appelé à des actions supplémentaires à venir pour répondre à la nécessité de protéger les habitats marins et terrestres vitaux, notamment dans les zones dites protégées. Nous avons besoin de mesures et d’objectifs contraignants afin de garantir que les solutions fondées sur la nature soient pleinement reconnues et mises en œuvre.
De futures régulations et directives contraignantes d’un point de vue juridique devraient être motivées par des préoccupations sociales et écologiques et non faussées par des intérêts purement économiques. Cependant, il existe actuellement une tendance inquiétante dans les médias de promouvoir des termes comme « capital naturel », « principe de gain net », « services écosystémiques » ou encore « solutions fondées sur la nature ».
La Stratégie biodiversité elle-même met l’accent sur la restauration de la biodiversité au détriment d’une limitation de la destruction de l’environnement, tout en encourageant l’évaluation monétaire de la nature. Selon elle, le plan de restauration de la nature de l’Union européenne « contribuera à garantir sur le long terme la productivité et la valeur de notre capital naturel. (…) La Commission continuera de promouvoir les systèmes d’imposition et de tarification qui reflètent les coûts environnementaux, y compris ceux liés à l’appauvrissement de la biodiversité. (…) la Commission soutiendra l’établissement d’une initiative internationale pour la comptabilisation du capital naturel ».
Cette synthèse vise à expliquer le concept de « capital naturel » (chapitre 1) en tant que nouvelle conception de la nature où celle-ci est considérée comme un ensemble de services rendus aux êtres humains. Elle définit également les marchés de compensation biodiversité, les circonstances de leur création et leur application potentielle au marché européen (chapitre 2). Enfin, elle étudie des alternatives législatives contraignantes à ces marchés, avant de passer en revue d’autres opportunités européennes à venir pour renforcer la protection de la nature (chapitre 3).