Défauts dans les cuves sous pression des réacteurs des centrales nucléaires de Doel 3 et Tihange 2
Rapport effectué à la demande du Groupe des Verts/ALE
Résumé exécutif
En août 2012, l’Agence Fédérale de Contrôle Nucléaire (AFCN) rendait publique la découverte de milliers de défauts dans la cuve sous pression du réacteur de la centrale nucléaire de Doel 3. En septembre 2012, des défauts similaires étaient découverts dans la cuve sous pression du réacteur de la centrale nucléaire de Tihange 2.
En décembre 2012, le propriétaire/opérateur des centrales nucléaires, Electrabel (Groupe GDF-Suez), annonçait le redémarrage planifié des deux réacteurs en janvier 2013. Aucune information détaillée justifiant cette décision n’était fournie.
Toujours en décembre 2012, Rebecca Harms, Co-présidente du Groupe des Verts/ALE au Parlement européen demandait à l’auteur de ce rapport d’évaluer les données disponibles concernant cette problématique.
Les deux centrales nucléaires, équipées de réacteurs à eau pressurisée, fonctionnent depuis le début des années 1980.
Les informations publiées par l’AFCN révèlent que les documents relatifs à la fabrication de la cuve sous pression des deux centrales nucléaires sont incomplets.
Autre révélation : le fabricant de la cuve (RDM, une société néerlandais entretemps tombée en faillite) n’a de toute évidence eu recours à aucun traitement de déshydrogénation et ceci n’était jusqu’ici pas connu des autorités de contrôle.
Le contrôle par ultrasons du métal de base de la cuve sous pression du réacteur, en dehors des zones de soudures, n’a été réalisé pour la première fois à Doel 3 et Tihange 2 qu’en 2012, c’est-à-dire après 30 années de fonctionnement.
Les autorités de contrôle n’avaient de toute évidence jamais exigé toute la documentation, les informations relatives à la méthode de fabrication (en ce compris le contrôle du taux d’hydrogène) et les résultats des contrôles par ultrasons des cuves.
Les déclarations d’Electrabel arguant que les défauts découlent du processus de fabrication ne peuvent être suivies, dans la mesure où aucun défaut n’a été découvert lors des tests finaux post-fabrication, tandis que les défauts découverts 30 ans plus tard ont une taille allant jusqu’à 24 mm de largeur et 10 mm de profondeur, et sont présents en densité remarquable (environ 8.000 à Doel 3 et environ 2.000 à Tihange 2).
La nature réelle des défauts reste inconnue à ce stade et ne peut être déterminée avec un degré élevé de certitude, vu que le recours à l’échantillonnage ne peut se faire sans endommager irrémédiablement la cuve.
Le processus suspecté, à savoir la formation de défauts dus à l’hydrogène, se caractérise par une période d’incubation considérable se poursuivant durant le fonctionnement du réacteur. Les défauts dus à l’hydrogène sont considérés comme des défauts très dangereux menant à des défaillances inattendues.
L’influence des effets de la radiation et de la fatigue oligocyclique durant le fonctionnement du réacteur sur des défauts potentiellement liés au processus de fabrication, provoquant l’agrandissement des défauts, n’a de toute évidence pas été prise en compte par Electrabel.
L’argument d’Electrabel comme quoi chaque défaut peut être « justifié » de manière individuelle et ne présente pas de danger pour l’intégrité structurelle de la cuve n’est pas suffisant. En effet, des interactions entre des milliers de défauts d’une taille allant jusqu’à 24 mm et l’agrandissement de ceux-ci ne peuvent, en conditions d’exploitation (température, pression, radiation), pas être exclus.
La preuve de l’absence de défauts similaires devrait être apportée pour l’ensemble des cuves sous pression des réacteurs n’ayant pas encore fait l’objet d’inspections exhaustives ou lorsque la documentation laisse planer un doute concernant le contrôle de la présence d’hydrogène au cours du processus de fabrication. Si les cuves dont le fabricant/fournisseur d’acier est le même qu’à Doel 3 et Tihange 2 sont les premières concernées, des défauts similaires ne peuvent être exclus pour les cuves provenant d’autres fabricants/fournisseurs.
En résumé, le redémarrage des deux centrales nucléaires doit être considéré comme dangereux. Une défaillance possible des cuves sous pression des réacteurs due à un agrandissement soudain de fissures en cas de pressions thermiques locales ne peut être exclue. Ceci aurait des conséquences catastrophiques, en particulier à proximité de zones à forte densité de population et activité économique (Anvers, Liège). Le corium (magma constitué des éléments fondus du cœur du réacteur) s’accumulant en fond de cuve, entraînant des explosions de vapeur, provoquerait tôt ou tard une défaillance du confinement, avec pour conséquence des rejets radioactifs dans l’environnement à grande échelle.