Relations entre UE-Russie après l'assassinat de la journaliste russe Anna Politkovskaïa
Proposition de résolution du Groupe des Verts/ALE
déposée par Daniel Cohn-Bendit, Hélène Flautre et Bart Staes au nom du groupe Verts/ALE
Le Parlement européen,
vu les objectifs de consolidation de la démocratie et des libertés politiques en Fédération de Russie énoncés dans l'accord de partenariat et de coopération entre l'UE et la Russie (APC) entré en vigueur le 1er décembre 1997,
vu ses résolutions et ses déclarations antérieures concernant la liberté de la presse et la liberté d'expression en Russie, notamment ses résolutions des 12 mai 2005 et 19 janvier 2006,
vu l'article 103, paragraphe 2, de son règlement,
A. profondément choqué par l'assassinat d'Anna Politkovskaïa, abattue à proximité de son appartement le 7 octobre dernier,
B. considérant que cet assassinat fait suite à celui d'Andrei Kozlov, vice-président de la Banque centrale de Russie, qui tentait de réformer le système bancaire russe; que les assassinats commandités d'opposants politiques et de personnes ayant émis des critiques à l'égard du régime constituent un phénomène alarmant en Russie,
C. considérant que la Russie est devenue l'un des pays les plus dangereux pour les journalistes, vingt-trois journalistes ayant été tués en Russie entre 1996 et 2005 et au moins douze d'entre eux y ayant été assassinés, selon des informations du Comité pour la protection des journalistes,
D. considérant que les enquêtes sur ces meurtres ont été entachées d'irrégularités et que, dans la plupart des cas, les meurtriers n'ont jamais été identifiés,
E. considérant qu'au cours des dernières années, la démocratie a continué de se dégrader sensiblement en Russie, ce qui s'explique notamment par le fait que les grandes chaînes de télévision et les principales des stations de radio ont fait l'objet d'un contrôle accru de la part du gouvernement, que l'autocensure s'est répandue dans les médias de presse, que les médias indépendants ont été fermés, et que des restrictions ont été imposées au droit d'organiser des manifestations publiques, que le climat s'est dégradé pour les ONG des cas de harcèlement de défenseurs des droits de l'homme ont été observés et le pouvoir judiciaire fait l'objet d'un contrôle politique accru,
F. considérant que jusqu'à présent, le dialogue UE-Russie relatif aux droits de l'homme n'a pas débouché sur des progrès sensibles dans ce domaine qui devrait être prioritaire dans la contexte des relations entre l'UE et la Russie,
1. rend hommage au travail et aux mérites d'Anna Politkovskaïa, une journaliste particulièrement respectée, considérée comme le symbole d'un journalisme honnête en Russie, qui a courageusement pris la défense de la vie et de la dignité humaines et qui a exposé différentes formes de crimes contre l'humanité, en particulier les disparitions forcées et les actes de torture en Tchétchénie;
2. exprime ses sincères condoléances à la famille d'Anna Politkovskaïa;
3. condamne, dans les termes les plus vifs, le meurtre d'Anna Politkovskaïa et invite instamment les autorités russes à autoriser une enquête internationale indépendante, impartiale et efficace sur cet assassinat afin d'identifier et de punir les responsables de ce crime marqué par la lâcheté; fait part de l'inquiétude que lui inspire la nomination de l'ancien ministre de la justice, M. Chaika, à la tête de l'enquête, alors que celui-ci est resté indifférent face aux violations des droits de l'homme en Tchétchénie lorsqu'il a occupé ce poste;
4. exprime sa profonde inquiétude au sujet de l'intimidation, du harcèlement et du meurtre systématiques de journalistes indépendants ainsi que d'autres personnes qui ont émis des critiques à l'égard du gouvernement et rappelle que le climat d'impunité qui en résulte et qui permet aux tueurs de ne pas craindre la loi porte sérieusement préjudice à la réputation de la Russie en tant qu'État assurant la présidence du Comité des Ministres du Conseil de l'Europe;
5. demande à la présidence du Conseil d'inscrire cette question à l'ordre du jour du prochain sommet de Lahti;
6. demande au Conseil et à la Commission de tout mettre en oeuvre pour soutenir en Russie le développement et la consolidation d'une société civile forte, vivante et authentique et de médias indépendants, en tant qu'éléments fondamentaux et indispensables d'une démocratie qui fonctionne;
7. demande un renforcement du dialogue UE-Russie relatif aux droits de l'homme afin de le rendre plus efficace, accessible aux ONG, en pleine concertation avec le Parlement européen à tous les niveaux, et axé sur des résultats, à l'effet de renforcer ce volet dans le nouvel accord de partenariat et de coopération qui sera bientôt négocié;
8. demande, à cet égard, instamment au Conseil de se pencher sérieusement sur l'avenir des relations avec la Fédération de Russie, en débattant de ce sujet avec le Parlement européen et la société civile, afin de placer la démocratie, les droits de l'homme et la liberté d'expression au centre de tout nouvel accord éventuel et d'instaurer un mécanisme transparent de surveillance pour la mise en oeuvre de l'ensemble des clauses y figurant, y compris la formulation d'une clause suspensive;
9. charge son Président de transmettre la présente résolution au Conseil et à la Commission, ainsi qu'au Président, au gouvernement et à la Douma de la Fédération de Russie.