Une législation sans effet sur le terrorisme mais susceptible de porter atteinte aux libertés
Anti-terrorisme
Le Parlement européen a adopté ce jeudi 16 février une directive censée améliorer la lutte contre le terrorisme. Encore une fois, la priorité est donnée à la multiplication des motifs d’incrimination aux contours souvent flous et potentiellement dangereux pour les libertés fondamentales, alors que l’essentiel est mis de côté, c’est-à-dire l’échange d’informations obligatoire et automatique entre États membres.
Réaction d’Eva JOLY, Membre Verts-ALE de la Commission libertés civiles et justice intérieure :
« En laissant l'échange d'informations à la discrétion des États, « sur demande ou de manière spontanée », cette directive ne résout pas les dysfonctionnements avérés au moment des attentats. La seule réponse sérieuse aurait été de rendre obligatoire et automatique cet échange.
Si nous voulons également harmoniser le droit pénal des États membres en matière de lutte contre le terrorisme pour améliorer la coopération policière et judiciaire, celle-ci ne peut se faire au détriment des libertés fondamentales.
Or, cette directive est inquiétante à plusieurs égards. En premier lieu, la définition retenue pour les infractions terroristes qui inclut la destruction d’infrastructures susceptible de provoquer « une perte économique majeure ». Cette définition est inadmissible. Certains gouvernements pourraient en abuser dans le but de museler la contestation d’ONG ou d’activistes qui recourent à des actes de désobéissance civile. Le terrorisme a trait à des actes violents et de destructions susceptibles de mettre des vies en danger. Il n’a rien à voir avec un chiffre d’affaires!
De plus, les incertitudes juridiques et notions vagues comme, notamment, la provocation « indirecte », permettent des interprétations pouvant porter atteinte aux libertés d’expression et d’information.
Or, dans le climat actuel, et notamment à l’aune de la condamnation d’Ahmed H en Hongrie à 10 ans de prison pour des motifs prétendument terroristes, l’Europe ne peut se permettre d’adopter une directive dont les failles pourraient être exploitées par certains gouvernements.
Quant à la criminalisation du voyage en tant que tel, y compris à l’intérieur de l’Union, sa valeur ajoutée est plus que contestable. En effet, un individu suspecté de participer à des activités terroristes peut déjà être arrêté en raison de cette suspicion.
Enfin, la Commission n’a toujours pas réalisé l’évaluation nécessaire des mesures déjà existantes au niveau européen.
Nous ne gagnerons pas le combat contre le terrorisme en reniant davantage nos valeurs fondamentales. L’urgence, c’est de renforcer la coopération et l’échange d’informations entre États membres et de donner à la police et à la justice des moyens supplémentaires, tout en définissant un cadre légal clair et respectueux des libertés. »